Bruno Leyval

ad vacuum : rien de plus.

🌐 31.517, 34.450


Et de la résistance, nul ne doute de son utilité. Nul ne doute de sa nécessité. Nul ne doute, sinon ceux-là mêmes qui s’y sont trop bien habitués, qui s’y sont faits comme on se fait à l’air que l’on respire, à la terre que l’on foule, au pain qu’on rompt. Car la servitude, la servitude n’est pas toujours une chaîne. Non, ce n’est pas toujours un fouet, ce n’est pas toujours un maître qui vocifère. Il est des servitudes si bien polies, si bien vernies, qu’on les prendrait pour une éducation. Pour une marque de civilisation. Pour une manière d’être convenable, admissible, recommandable — un bon esclave.

La servitude, aujourd’hui, c’est un logiciel. Un logiciel préinstallé, un programme soigneusement encodé dans les fibres mêmes de l’enfance. Et à chaque âge de la vie, à chaque palier de croissance, on y apporte sa mise à jour. Son correctif. Sa rustine de conformité. On y ajoute de la prudence, du réalisme, de la modération, toutes les lignes de code nécessaires à maintenir une forme de docilité. Et l’on appelle cela maturité. Et l’on appelle cela progrès. Et l’on appelle cela sagesse.

Mais il faut bien le dire : ce n’est pas de sagesse qu’il s’agit. Ce n’est pas de prudence. Ce n’est pas d’intelligence. C’est de peur. C’est de lassitude. C’est de fatigue. C’est d’une immense fatigue de penser autrement, de vivre autrement, de regarder autrement. C’est de l’usure des âmes, comme les vieilles pierres s’usent sous les pas, lentement, longtemps, douloureusement. C’est une fatigue héréditaire, une fatigue transmise comme un bien de famille, comme une rente, comme un testament.

Changer de paradigme, ce n’est pas affaire d’idée. Ce n’est pas affaire de système. Ce n’est pas une gymnastique de l’esprit. C’est une affaire de chair. Une affaire de sang. Une affaire de solitude. Il faut s’arracher. Il faut se détacher. Il faut briser, non pas les chaînes que l’on voit, mais les liens invisibles qui entravent le cœur. Les silences pleins d’assentiment. Les habitudes pleines de soumission. Les phrases toutes faites, les gestes tout tracés, les chemins tout balisés.

Et pourtant, pourtant… Il y en a qui résistent. Il y en a eu. Il y en a encore. Il y en aura toujours. Une poignée peut-être. Une poignée de pauvres, de fous, de croyants. De ceux qui n’acceptent pas. De ceux qui disent non. De ceux qui préfèrent le vent libre à l’air conditionné de la pensée conforme. Et c’est par eux que le monde tient. C’est par eux que la lumière revient. C’est par eux que tout recommence.

🌐 17 Sep 2025 - 07:07:00 #nts