Face à l’autel, les mains jointent légèrement fripées, elles prient côte à côte comme une seule flamme séparée.
Nos aînées sont des phares qui nous éclairent. Elles sont le puits de lumière qui nous guide quand notre chaloupe vacille sur les flots. Pour la plupart, elles ne nous accompagnent sur cette terre que peu de temps – le décalage ne laisse que peu de chance pour un chemin commun sur une longue distance. Leur présence s’éclipse du monde réel bien avant la fin de notre printemps. Leur sagesse, elle, est semblable à une étoile qui brille au-dessus de notre vie, indéfiniment.
Ma grand-mère avait ses origines gravées sur son visage. Elle avait une profonde ride en forme de « Y » renversé, dont les branches dessinaient de profondes racines. C’est la forme du lac de Côme en Italie, région d’où elle venait.
Ta grand-mère reste pour moi un mystère et pourtant, ton visage s’illumine quand elle te rend visite. Tu lui ressembles tellement. Tu as en toi toute la chaleur de l’Espagne et toute la folie mystique ibérique. La généalogie sacrée coule dans tes veines. Il paraît que la sorcellerie se transmet de mère en fille.
Nous parlons souvent de nos grands-mères et de leur foi en la vie et ses mystères. Nos sorcières latines étaient magnifiques. Plus présentes que jamais, elles nous envoient chaque nuit des rêves colorés à déchiffrer la journée.
Un corbeau et une buse en présage, surfant sur le vent — ils caressent le pare-brise, leurs plumes en offrandes. Dans le champ en bordure de la route, une biche et une orque viennent de passer.
Nous partons ensemble au bord de la rivière, ramasser des pierres sacrées pour y inscrire des incantations et des prières, les peindre d’or et d’écriture automatique qu’une simple pluie fine pourra effacer. L’impermanence des choses nous permet d’évoluer, de nous transformer, de phase en phase jusqu'à l’imago.
Mes fleurs de cerisiers ont laissé des traces dans ta mémoire. Sur de grandes surfaces blanches, tu étales à la main du rouge carmin en transe. Il n’y a pas d’intermédiaire entre la peinture et ton corps. Un saignement sous la lune. Le flux d’énergie se déverse au son chamanique – apparaît alors sur l’étendue immaculée, l’empreinte de ton arbre sacré.
Tu avais 15 ans quand son absence est devenue ta lumière. J’en avais un peu plus, mais elles ont décidé de partir ensemble pour nous protéger.