Bruno Leyval

Écriture vespérale

Les satyres

Pierre Paul Rubens a aimé la mythologie, les dieux et les déesses, les satyres et les nymphes. Les Silènes aussi. Il les a peints parfois dans de vastes éclats de lumière et de chair, où tout tourbillonne et rit. Parfois, il s’est penché sur eux de plus près, dans des toiles minuscules, presque secrètes, où l’on sent le souffle, le sourire, la joie discrète d’un monde qui danse et qui s’éveille.

Mon dernier livre d’art, gardé à l’abri des regards, explorait déjà le satyre. Aujourd’hui, il devient le cœur de mon projet poétique. Dans cette figure mi-homme, mi-animal, je retrouve toute la dualité qui nous habite — le bien et le mal, l’instinct et la conscience, la lumière et l’ombre. C’est en lui que je contemple les forces opposées qui vivent en chacun de nous. Ce personnage me fascine, car j’y reconnais le tiraillement qui vibre en moi, les forces contraires qui s’affrontent et se complètent, l’animalité et l’humanité, le désir et la retenue.

En le contemplant, je comprends que ce tiraillement n’est pas un défaut à corriger, mais une énergie vivante qui me traverse et m’anime. Il est la source de ma créativité, de ma passion et de mes hésitations. Comme le satyre, je porte en moi le sauvage et le civilisé, l’ombre et la lumière, et c’est dans cet entre-deux que se révèle ma vérité. Apprendre à habiter ces contradictions, à les accepter sans jugement, c’est se rapprocher de ce qui est essentiel, de ce qui fait de moi quelqu’un d’entier, d’unifier.

— 19 octobre 2025