Hormis ce grand vacarme
Hormis ce grand vacarme, ô vous, créateurs de formes nouvelles, créateurs de formes brûlantes et bâtisseurs de mirages, je vous en supplie, revenez à la raison, la raison qui murmure, à la vérité intérieure qui pulse doucement au fond de la poitrine. Peut-être cela vous semblera-t-il absurde, vous qui ne rêvez que d’étoiles et d’échappées célestes, mais sachez-le, le plus vaste voyage cosmique n’est pas celui qui lacère le ciel — c’est celui qui s’enfonce en spirale dans la chambre secrète du soi, là où brûle une étoile plus ancienne que toutes les galaxies réunies. Hormis ce grand vacarme — vacarme d’ailes métalliques, vacarme de formes qui s’entre-dévorent — ô vous, créateurs de braises neuves, sculpteurs d’astres embryonnaires, bâtisseurs de mirages-pulsars-kérosène, écoutez donc, la raison chuchote dans vos failles. Elle rampe sous la peau comme un serpent multicolore. Elle murmure dans la cage thoracique où une braise antique bat en sourdine. Revenez, oui, revenez au souffle enfoui, au cœur-solaire, à la chambre secrète où brûle l’astre miniature. Vous qui rêvez d’étoiles, d’échappées célestes, de tunnels cosmiques où se disloquent les anges, écoutez donc, le voyage le plus vaste n’est pas celui qui lacère le ciel — non — c’est celui qui vous avale par l’intérieur, spirale après spirale, jusqu’au noyau incandescent du Moi primordial. Chambre secrète — nuit, poulpe de nuit, grotte de lait noir, et de l’encre, nef de silence où le temps se recroqueville. Moi, ce que j’aime, c’est le gout du pain et de l’hostile et du vin. C’est là que brûle l’étoile antédiluvienne – plus vieille que les galaxies, plus vieille que l’idée même de lumière (avant même la lumière). C’est là que le cosmos se souvient de vous – toujours, C’est là que vous cessez d’être spationautes de façade pour devenir voyageurs du Dedans, pèlerins du noyau, errants du souffle, passager entre deux mondes. Le dehors n’est qu’un miroir fissuré, Le dedans est une cathédrale sans murs, Le ciel n’est qu’une répétition générale. Le cœur, lui, abrite le véritable effondrement, la véritable explosion, la seule supernova qui ne meurt jamais. Alors, écoutez donc, déchirez vos cartes stellaires, jetez vos charnières de métal, abattez vos drones et autres constellations de satellites, fracassez vos rêves de fusées d’orgueil. La terre n’a que faire du ciel. Les voitures roulent toutes seules sur les ruines et la chair fraîche. Le monde extérieur n’a jamais été qu’un décor de théâtre pour la grande traversée intérieure. Au centre — là où toutes les voix se taisent — demeure l’étoile ancienne, qui prononce votre nom dans une langue sans alphabet, une langue faite de pulsations, de battements bruts, de silence respirant sous oxygène en bouteilles.
— 12 novembre 2025