BRUNO LEYVAL

MESSAGE #6 : De l’autre côté

Après la perte, l’absence de tout espoir. Un espoir n’a jamais procuré autre chose que de la souffrance. L’espoir est un objet vide, rempli de désir, un désir si fort qu’il finit par détruire. Abandonner l’espoir, voici une attention que l’on se porte avec bienveillance. Mais alors, sans espoir, que devient la vie ? Peut-être une simple succession d’instants qui se faufilent avec et entre les grains du sablier.

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Sur la terrasse, accompagné d’un moineau joueur, je me contente d’une évaporation. La fraîcheur matinale fait danser de vapeur la tasse de mon café. Un café noir, bien serré. Mon esprit est à cet instant en dialogue constant avec l’oiseau et la buée. Un plaisir simple, hors du temps, sans le moindre espoir de longévité.

On se consume la journée. On se brûle d’activités pour remplir un pot percé. La journée nous pousse à passer à côté, à détourner et à fuir, à se vider d’avancer. La beauté de la simplicité, les petites choses, les raretés de l’existence, tous les détails suprêmes sont éclipsés.

Une guêpe s’échoue sur le carrelage de la terrasse. Elle a l’air mal en point. Une journée de redoux aura suffi à lui donner l’espoir d’un printemps. Rassemblant ses forces, elle chancelle et reprend son envol jusqu’à la prochaine chute.

Ralentir, c’est voyager. S’arrêter, pour ne pas stagner.

La nuit console les solitaires. Elles les enveloppent de brume sous la lumière féminine. La nuit a le pouvoir de l’espoir, celui de nous rendre la lumière à l’aube.

Alors, souvent, je creuse ma mémoire pour y extraire les pépites d'antan, petits instants de grâce qui ont saupoudré de lumière mes années d'obscurité. Je les extrais de la profondeur de ma moelle, raclant les bords d'un crâne devenu creux et, aux quelques onces d'or récoltées, je m'accroche comme si ma vie en dépendait. Sans mémoire, on oublie la douleur de l’espoir. Mémoire immédiate, qui immédiatement s’efface en laissant les parois crâniennes trouées de grêle.

À l'esprit et à la chair, une invocation sinueuse entre débris et mystères. Il me semble vain toute tentative de transformation. Que d'une matière, par de multiples subversions, nous obtenions une autre matière qui tend au divin… Ineptie.

Les anges sont endormis et ils ronflent violemment.

Maintenant que j’ai abandonné la fabrication d’images ternes, que la poussière a recouvert les pinceaux et le lin, les mots peignent dans mon cœur des icônes sacrées et le ruissellement invisible d’une rivière autrefois asséchée me redonne presque l’espoir d’une terre bien fertile.

Il y a certainement quelque part, de l’autre côté du désert bleuté, un ancien champ de bataille où les roses séchées finiront par s’ouvrir avec l’arrivée des premières pluies. Au milieu de la plaine sableuse, l'arbre mort trône comme un totem. À la pointe de sa dernière branche, une fleur bourgeonne et semble dire : regarde-moi, je suis en vie !

J’y attendrai l’espoir et les couleurs de ton aura. Une dernière fois.

08/02/2025


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